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Yeşim USTAOĞLU
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Clair-obscur (Tereddüt) Turq. VO  couleur 2016 105' ; R. Sc. Y. Ustaoğlu ;  Ph. Michael Hammon ; M. Antoni Komasa-Łazarkiewitcz ; Pr. Avala Film ; Int. Funda Eryigit (Chenaz), Ecem Uzun (Elmas), Mehmet Kurtulus (Cem), Okan Yalabik (Umüt).

   La séduisante jeune psychiatre Chenaz vit avec Cem, un architecte qu'elle aime mais qui, affligé d'éjaculation précoce ne la comble guère ; Elmas, jeune femme voilée de dix-huit ans au physique assez ingrat, mariée de force, est le souffre-douleur de son mari et de sa belle-mère. On la retrouve au petit matin en plein hiver prostrée sur son balcon, dont la porte-fenêtre est fermée de l'intérieur. Dans l'appartement gisent les corps inanimés par intoxication au monoxyde de carbone de ses bourreaux familiers. On ne saura pas exactement ce qui s'est passé. 

   D'abord en parallèle les deux parcours se croisent, Chenaz étant amenée à prendre en charge l'hospitalisation de la jeune traumatisée. Avec compétence et grande douceur elle s'emploie à ramener la malheureuse à l'apaisement. Mais suffit-il d'être évoluée et socialement immunisée contre l'oppression des traditions pour s'épanouir ? Une aventure amoureuse avec Umüt, confrère de l'hôpital, lui procure les satisfactions érotiques qui font défaut dans le couple. Après une scène de violence avec Cem provoquée par sa décision de rupture, la jeune femme en larmes fuit la maison en voiture.

  
    Il n'y a pas, d'une part le peuple aliéné par manque de culture, d'autre part l'élite émancipée, mais des rencontres et croisements donnant à réfléchir sur la condition des femmes dans un pays encore profondément réactionnaire. D'avoir des destins diamétralement opposés, ces deux femmes ne sont peut-être pas si étrangères l'une à l'autre qu'il y paraît. Tout l'enjeu du film est là, dans le paradoxe de la distance et de la proximité. Distance médicale mais empathie de la femme médecin, libération sexuelle contre esclavagisme du corps, mais quelle différence, vraiment, entre le mari violeur et l'amant quittant la couche conjugale pour regarder des films porno? Dans ce dernier cas l'aventure amoureuse avec Umüt est loin de tout résoudre. La côte sauvage où il réside dit bien un éloignement de la réalité de ce monde, la violence et l'immensité de la mer, évoquent la difficulté de maîtriser les ressources qui permettraient de dépasser cette contradiction : s'émanciper dans un environnement aliénant.
   On pourrait croire que la résilience est dans quelque romantique renaissance à soi, sous la forme d'une étreinte extatique fouettée de fureur océanique. Elle est bien plutôt dans le bien que Chenaz peut retirer pour elle-même de son action salvatrice envers la sinistrée.
   Bien sûr la facture est sans grande surprise. Le film cède même à certains travers de la grande distribution, je n'insiste pas. Mais en allant de l'une à l'autre en plan serré dans des travellings légèrement instables, comme frémissants, la caméra sait tirer le meilleur de cet échange délicat, respectant à la fois la distance et la comblant par les plus impalpables signes de la proximité d'âme. 21/02/20 Retour titre