CINÉMATOGRAPHE 

ÉCRITURE


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Gillo PONTECORVO
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La Bataille d’Alger (La battaglia di Algeri) It.-Alg., VO Scope-N&B 1965 117’ ; R. G. Pontecorvo ; Sc. G. Pontecorvo, Franco Solinas ; Ph. Marcello Gatti ; Mont. Mario Morra, Mario Serandrei ; M. Ennio Morricone ; Pr. Antonio Musu/Igor Film, Yacef Saadi/Casba Film (Alger) ; Int. Brahim Haggiag (Ali La Pointe), Jean Martin (colonel Mathieu), Yacef Saadi (Djafar), Fusia El Kader (Halima). Lion d’Or à la Mostra de Venise en 1966, alors que le film était interdit en France. 

   Démantèlement par la 10e division parachutiste sous les ordres du général Massu, du réseau FLN implanté dans la Casbah d’Alger en 1957. Il n’empêcha pas le soulèvement général de décembre 1960 suivi deux ans plus tard par l’indépendance de l’Algérie après cent-trente ans de sujétion coloniale. Le récit se focalise sur le parcours d’Ali La Pointe aujourd’hui considéré comme martyr de la révolution, mort volontairement dans sa cache dynamitée par les paras en octobre 57, ayant refusé de se rendre. 

   Reconstitution remarquablement documentée sur les lieux-mêmes avec des acteurs non professionnels à l’exception de Jean Martin, qui campe un lieutenant-colonel plus vrai que nature (treillis et rangers, élégants gestes de fumeur, lunettes noires, faux nonchaloir et verbe clair).
   On a dit que le film était impartial. Voire ! Il y a certes un subtil dosage du pathos mais nettement en faveur du peuple algérien. Certes le parti-pris est absolument légitime, surtout s’agissant d’une cause juste, mais le sentimentalisme le rend ici suspect : cette larme silencieuse dans les yeux d'une femme, ce bébé qui vagit, ces cadavres d’enfants retirés des décombres, cette musique plaintive n’étaient pas nécessaires. Il y avait d’autres atouts proposés à la sensibilité du spectateur sans lui mettre de surcroît le nez dedans. La photographie des visages notamment est par elle-même suffisamment parlante. À remarquer, de plus, que le pathétique cadrage des futures victimes des attentats représente la vision déchirante des meurtrières, qui ne peuvent plus reculer en arrêtant la machine infernale. Pour être terroristes, elles n'en sont pas moins humaines.
   Le spectaculaire est dans ce genre d'imperceptible supplément parce qu’il semble naturel à l’image-son cinématographique. L’utilisation d’un rythme effréné de tambour dans l'offensive par exemple. Ou encore, la rhétorique simpliste du calme avant la tempête. Les attentats sont précédés de scènes affichant une quiétude superlative, pour mieux monter en épingle le malheur y succédant. C'est donc cousu de fil blanc, contraire à la vérité, qui est faite de vraies ruptures, catastrophes au sens mathématique du terme. Dans tous ces cas, le spectateur est dépossédé de sa liberté de lecture.
   S’agissant de la torture en revanche, elle est en apparence présentée comme normale et inévitable et beaucoup s’y sont laissé prendre. Ici point de pathos. Les bourreaux se montrent polis, voire prévenants envers les victimes. Ce qui engendre ce genre de méprise : « D'ailleurs la torture est bien montrée comme ayant été efficace pour démanteler le réseau du FLN d'Alger. Les soldats ne sont pas montrés comme étant spécialement des monstres : dans une des premières scènes, après avoir torturé un homme et qu'il se soit mis à table, les soldats offrent du café et rassurent le prisonnier. »
(article de Wikipédia consacré au film).
   On peut se demander pourquoi ce changement de registre ? Pourquoi cet acte barbare ne bénéficie-t-il pas des effets spectaculaires des actes terroristes et de la contre-guérilla ?  C’est en tout cas là que la violence s’exprime vraiment. C’est cette apparente banalité qui donne le plus à penser.
   La méprise relevée est à mettre au compte du piège de la violence, s’affichant au point d’inhiber l'autonomie du spectateur, lequel croit devoir prendre à la lettre une pause de la violence qui n'est que rhétorique. C'est confondre action et mode de présentation de l'action. 6/01/09
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