CINÉMATOGRAPHE 

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Otto PREMINGER
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Autopsie d'un meurtre (Anatomy of a Murder) USA VO N&B 1959 ; R. O. Preminger ; Sc. Wendell Mayes, d'après Robert Traver ; Ph. Sam Leavitt ; M. Duke Ellington ; Déc. Boris Leven ; Pr. O. Preminger ; Int. James Stewart (Paul Biegler), Lee Remick (Laura Manion), Ben Gazzara (Frederick Manion), George G. Scott (le procureur Danser).

   Paul Biegler (James Stewart : Galerie des Bobines), ancien procureur évincé et avocat toujours à pêcher à la ligne faute de cause est sollicité par Laura Manion pour défendre son mari le lieutenant militaire Frederick Manion, accusé d'avoir tué le violeur de sa femme. Il le sauve en plaidant l'accès de folie pour apprendre à la fin qu'il a été roulé.

   Tout est ambiguïté. L'accusé parvient à convaincre de son innocence mais, cité à témoigner
in extremis, un codétenu l'accuse de s'être vanté de rouler tout le monde et de vouloir se débarrasser de sa chienne en chaleur d'épouse. Biegler a beau disqualifier ce multirécidiviste, le procès gagné, Laura reste seule.
   Belle et provocante (tout en étant sincère et touchante), elle est le type de femme dont on dit qu'elle l'a cherché. Qu'on ait eu la preuve que le violeur - bon père de famille et homme sérieux - était rentré chez lui en possession d'une petite-culotte arrachée, est d'un faible poids à côté de ce genre de préjugé dont le spectateur est malgré lui complice.
   Face à deux brillants procureurs, Biegler se révèle encore plus habile et même trop, à considérer le dénouement. Sa tactique repose sur l'humour, la colère, la déstabilisation de la cour, bref sur des effets émotionnels qui lui attachent insensiblement le jury.
   Le dialogue à cet égard tourne habilement à la satire du système judiciaire. Le personnage le plus ambigu est l'accusé. Il suit fiévreusement le déroulement du procès comme prêt à bondir à tout instant pour protester de son innocence. Énergie de la bonne foi cadrant pourtant parfaitement avec l'homme violent émergeant peu à peu des questions du procureur Danser, un juriste reconnu, débarqué tout exprès dans cette petite province. Celui-ci paraît trop machiavélique, le visage naturellement anamorphosique et le cynisme à l'appui de son rôle d'opposant au héros de l'histoire.
   Les mouvements d'appareil et la musique d'Ellington sont une pièce essentielle du dispositif. Par panoramiques, travellings, et pano-travellings, la caméra quadrille l'espace - tout en jouant sur des figures insolites à l'arrière-plan - comme si c'était elle qui menait l'enquête. Excellent outil à cet égard, le panoramique semble toujours surprendre la présence de ce qui est pourtant tout proche. On imaginerait bien la "lettre volée" de Poe révélée par un panoramique horizontal droite/gauche, la lettre se trouvant en bout de course à portée de main. De plus, d'infimes recadrages sur les protagonistes du procès semblent maniaquement chercher la précision.
   Tout ceci n'étant que leurre, puisque cette "autopsie" ne fait que réserver la vérité du coup de théâtre final, deux mots sur un billet laissé par Manion, qui a décampé.
   Introduisant une note irréelle de thriller ironique - le fameux orchestre est présent à l'écran, et Paul joue en duo avec le Duke - dans la précision extrême de son propre arrangement, la musique quant à elle est beaucoup plus proche de la "vérité", de même que le caractère ludique du générique de début et de fin, découpage de papier rythmé par le jazz.
   En raison du tour de force d'un jeu à la fois sobre et outré des acteurs et de la mise en place impeccable de tous les éléments, c'est, avec Laura, sans doute, le meilleur film de Preminger. 26/01/02
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