CINÉMATOGRAPHE 

& ÉCRITURE


Eléments pour une analyse d'image filmique : photogramme extrait DE PICKPOCKET de ROBERT BRESSON

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rampevide



   Extrait de Pickpocket ce photogramme illustre les pouvoirs de l'écriture : ni belle image, ni image fonctionnelle mais véritable relai énergétique. Trois registres sont à considérer : espace optique qui se subdivise lui-même en deux espèces, cognitive et scripturale, espace quadratique et hors-champ.
   L'espace optique en tant que cognitif présente un contenu tridimentionnel identifiable : un palier d'escalier vide, qui participe du récit : quelqu'un est passé ou passera par là dans un certain but. En tant que relai d'écriture il est relatif à des éléments disséminés sans obédience sémantique au récit. Une des résultantes du rapport à la dissémination est la figure mythologique du serpent tentateur - rampant - du péché originel, que l'on retrouve par exemple dans le sac en croco de la première victime du pickpocket, ou dans la tomette d'effet écailleux.
   L'espace quadratique rapporte l'espace tridimentionnel à la planéité du cadre : la rampe pénètre dans le champ gauche-cadre aux 2/3 de la hauteur du bord gauche et, par une boucle en hélice dextrogyre, plonge vers le bas pour venir se ficher dans l'angle inférieur gauche dans l'axe de la diagonale ascendante du cadre. Souligné et compliqué à la fois par les fresques murales en rinceaux, l'enroulement de la cage d'escalier s'inscrit dans le même mouvement tenant sa force d'être ordonné au cadre.
   Le hors champ repose sur la continuation supposée du champ au-delà du cadre, c'est-à-dire de l'espace optique. Celui-ci postule une verticalité qui se visse dans le hors champ : parcours vertical tortueux impliquant l'effort de la percée et dont les paliers sont des étapes, celui de Jeanne notamment.
   Cette polymodalité est inséparable du caractère de fugacité de l'image filmique, qui suppose une appréhension sur la base de l'amnésie cognitive constitutive d'une perception globale sensible. Ce que l'analyse décrit ici n'est possible qu'au prix d'une pause artificielle, la vision du film reposant, elle, au contraire sur la sensation. 

   L'image n'est pas belle en soi, elle diffère au double sens du terme : comme différence et ajournement indéfini de sa résolution sous la condition de toutes les autres, ce qui s'appelle différance. Ce n'est qu'une pièce dans un jeu. Attention à la trop belle photo, qui voudrait attirer à elle-seule tout le pouvoir de l'image. Surtout quand elle repose sur une valeur extrinsèque (star, coucher de soleil, musique "de fosse"...)